Edouard Le Pelletier
Investeam
« C’est quand le puits est sec que l’eau devient richesse* » | 14 Novembre | EDITO
Après un été suffocant, suivi d’un automne particulièrement chaud – avec une température moyenne de 17,2°C, de 3,5°C supérieure à la normale, la France a connu son mois d’octobre le plus chaud depuis 1900 – le réchauffement climatique devient une évidence.
L’ampleur de la sècheresse est également inédite dans certaines régions. Sachant que le remplissage des nappes phréatiques se fait entre octobre et mars, le constat est alarmant et nous pousse à explorer les différents moyens de pallier les sécheresses susceptibles de s’amplifier dans les années à venir, et plus particulièrement le potentiel des eaux souterraines. En effet, ces dernières constituent près de 99 % de toutes les réserves d’eau douce liquide sur Terre. Elles fournissent déjà la moitié de la quantité d’eau prélevée pour un usage domestique par la population mondiale – y compris l’eau potable fournie à une grande majorité de la population rurale qui n’est pas desservie par des systèmes de distribution publics ou privés – et environ 25 % de toute l’eau prélevée à des fins d’irrigation. Pourtant, cette ressource naturelle reste mal appréhendée et donc sous-évaluée, mal gérée, voire gaspillée. Près de 4 milliards de personnes vivent dans des zones touchées par une grave pénurie d’eau au moins un mois par an. Et la mauvaise qualité des eaux souterraines constitue un obstacle majeur à leur extraction.
Le problème est amplifié lorsque les infrastructures existantes de traitement des eaux municipales et industrielles et/ou d’assainissement sont saturées, qu’il n’existe pas d’infrastructures appropriées ou que les existantes sont archaïques et que les déchets et eaux usées sont déversés directement dans l’environnement en passant dans les eaux de surface ou souterraines. Si nous prenons l’exemple de l’Afrique subsaharienne, seuls 3 % des terres cultivées sont irrigués et seulement 5 % d’entre elles sont irrigués par des eaux souterraines. Leur exploitation pourrait favoriser la croissance économique en permettant d’augmenter la superficie des zones irriguées et d’améliorer ainsi les rendements agricoles et la diversité des cultures. Certains pays ont compris l’importance des enjeux économiques de cette ressource. C’est notamment le cas de l’Inde, riche en eaux souterraines, avec la révolution verte accomplie dans les années 1960 qui a mis fin à des siècles de famines et joué un rôle déterminant pour sortir le pays de la pauvreté.
Mais, aujourd’hui, comment agir pour réaliser le potentiel immense de cette ressource si peu inexploitée ? La réponse pourrait s’articuler autour de trois axes majeurs : le recueillement de données, le renforcement des réglementations environnementales ainsi que des ressources humaines, matérielles et financières. Concernant le recueil de données, les industries pétrolières, gazières et minières jouent un rôle essentiel car elles possèdent déjà une grande quantité de données, d’informations et connaissances sur la composition des couches plus profondes du sous-sol, y compris les aquifères. Le renforcement des réglementations environnementales doit être assumé par les gouvernements afin de protéger cette ressource et d’en assurer une répartition équitable. Une garantie de l’accès à l’assainissement pour tous devrait entraîner une augmentation des coûts de 3,8 % (pour atteindre 3,8 milliards d’euros par an en 2040) pour un bénéfice de plus de 6,6 milliards d’euros par an, avec un ratio coûts/bénéfices positifs dans chaque État membre.
Mettre à profit tout le potentiel des eaux souterraines nécessitera donc des efforts substantiels et concertés afin d’assurer une gestion et une utilisation durables de cette ressource.
* Proverbe français